jeudi 9 avril 2020
Urgence sanitaire, urgence climatique, vraies et fausses priorités: lettre ouverte à Sophie Primas (Présidente de la Commission Economique du Sénat)
Lettre ouverte à Madame Sophie PRIMAS, Présidente de la Commission Economique du Sénat,
Madame la Présidente,
Mardi 7 avril 2020, à l’occasion de l’audition de Madame Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire sur l’incidence de la crise du Covid-19 sur la politique énergétique et climatique du Gouvernement, vous avez affirmé ceci (https://www.senat.fr/presse/cp20200407b.html):
"A la crise sanitaire s’ajoute une crise énergétique, qui est une mauvaise nouvelle pour le climat et la diversification de notre mix énergétique; elle affectera notamment la rentabilité des acteurs de l’énergie, et donc leurs capacités d’investissement, seules à même de permettre l’essor des énergies renouvelables".
Les citoyens attachés à la réussite de notre transition énergétique autant qu’à la justice sociale ne peuvent qu’être surpris par de tel propos. Cette « crise énergétique » que vous associez à la crise sanitaire et qualifiez de « mauvaise nouvelle pour le climat » peut encore se transformer en une bonne nouvelle pour ce dernier. Quand à ce que vous qualifiez de mauvaise nouvelle pour « la diversification de notre mix énergétique » vous conviendrez que ça démontre simplement que le « roi est nu » et que cette diversification érigée en totem est en fait inutile à notre transition et au climat (mais pas à la « finance verte »).
Certes, comme le rappelle votre Commission, il n’est pas question que l’urgence sanitaire, priorité de tous aujourd'hui, fasse oublier l’urgence climatique lorsque viendra le temps du dé-confinement et de la reconstruction.
Mais une fois surmontée la crise du covid-19, puissions nous demain ré-affirmer clairement la véritable priorité climatique, l’élimination des combustibles fossiles avant 2050, et reporter à plus tard les fausses priorités, comme la diversification du mix énergétique, inutile pour la crise sanitaire, inutile pour réduire le CO2 et coûteuse pour le citoyen.
La priorité pour notre pays c’est d’arrêter de brûler du gaz, du pétrole et du charbon. Dans les transports (1ère cause d’émission de CO2 en France) c’est de passer au tout électrique. Dans le chauffage c’est d’abandonner le gaz et le fuel. Tout le contraire de la diversification du mix (réclamée par les influents lobbies de nos fournisseurs gaziers et pétroliers étrangers, comme par certains états jaloux de notre réussite énergétique).
La crise a montré aussi la futilité des électricités photovoltaïque et éolienne (dont les équipements sont d’ailleurs eux aussi importés), incapables ces jours ci de fournir, ni en France ni en Allemagne, la fée électricité nécessaire à toute heure du jour et de la nuit aux hôpitaux et aux activités vitales. D’ailleurs, outre aux soignants, hommage est aussi rendu, tous les soirs, et à juste titre, à ceux qui assurent de façon admirable le fonctionnement des centrales électriques pilotables.
La diversification n’est pas une fin en soi, plutôt une mode, à laquelle on peut certes consacrer 7 milliards d’euros par an en temps normal quand on est riche, mais dont les 121 milliards d’euros déjà gagés (et déjà dénoncés par la Cour des Comptes avant la crise) vont devenir indécents à l’heure de la reconstruction de l’économie, ces milliards étant en outre sans grande valeur ajoutée climatique ! Il faudra en déclarer un moratoire.
De la même façon que nous aurions dû conserver notre stock de masques médicaux constitué il y a 10 ans ne jetons pas trop tôt nos réacteurs nucléaires : il sont sûrs, amortis et répondent présent quand on en a besoin. L’arrêt d'un premier réacteur en état de marche le 22 février, au seul motif d’honorer un accord électoral de 2011, commence à faire réfléchir !
La priorité, comme l’ont affirmé la « Commission Aubert » et la Cour des Comptes, n’est plus à la « diversification du mix » ni à « l’essor des énergies renouvelables », mais bien, comme l’avait affirmé le Président Macron, à la lutte contre le CO2, le gaz, l’essence et le charbon.
Jean-Luc SALANAVE