dimanche 16 décembre 2018

pouvoir d'achat et "gilets jaunes": une idée à 121 Md€

Gilets jaunes et pouvoir d’achat :
une idée à 121 milliards d’euros


Décider un moratoire sur les aides au photovoltaïque et à l’éolien

121 milliards d’euros c’est selon la Cour des Comptes les primes au solaire photovoltaïque et à l’éolien qui restent à payer (essentiellement en taxes à la pompe à essence), pour financer uniquement les contrats d’aides signés avant 2017. Une somme incroyable ! Un moratoire immédiat sur ces aides ferait économiser 4000 euros par ménage français ! Un tel moratoire serait d’autant plus légitime que, de l’aveu même des promoteurs de ces énergies renouvelables électrogènes, ces dernières sont désormais compétitives grâce à l’énorme effort consenti par les contribuables et consommateurs depuis maintenant 10 ans.

Revenir sur les engagements pris demande du courage politique

Aucun gouvernement n’aime revenir sur des engagements, même sur ceux pris par ses prédécesseurs. Mais l’Espagne l’a fait, en décrétant le même type de moratoire dès 2013, alors que le pays ne maitrisait plus la bulle spéculative et les surcoûts liés, comme chez nous, au financement trop généreux de l’éolien et du photovoltaïque.

Certes la décision espagnole a fait des mécontents, et quelques-uns ont été dédommagés, mais le rééquilibrage a fait gagner des milliards d’euros aux petits contribuables espagnols. A nous de trouver une indemnisation équitable envers, d’une part, ceux qui verraient un contrat se terminer à leur détriment (mais qui en auront bénéficié quelques années, certains pendant déjà 10 ans), et, les autres, l’immense majorité des citoyens consommateurs, qui ont mis la main à la poche depuis des années pour financer ce système.

Un tel moratoire est-il envisageable en France ?

L’idée n’est pas de cesser de rémunérer les kWh solaires ou éoliens, ni même de leur retirer prématurément le privilège de l’obligation d’achat par EDF, privilège pourtant jugé abusif et anticoncurrentiel par les autres producteurs soumis aux lois normales de l’offre et de la demande. Pas question non plus de décourager l’autoconsommation. Il s’agit juste, après 10 ans de soutien généreux, de rémunérer désormais les ventes au juste prix de marché, et de décréter un moratoire sur le complément de rémunération dont bénéficient ces kWh intermittents. C’est ce complément qui est aujourd’hui supporté par les automobilistes (TICPE) après avoir été supporté par les consommateurs d’électricité (CSPE, d’ailleurs « supprimée » fin 2015 et pourtant toujours sur nos factures).

En outre, ce chiffre de 121 Md€ n’est que le début de cette bulle spéculative, qui, si on ne l’arrête pas, pourrait plus que doubler de taille si l’annonce du chef de l’Etat de tripler à l’avenir le nombre d’éoliennes et de capteurs solaires PV se réalisait. Comme en Espagne, il est temps pour notre pouvoir d’achat de stopper l’hémorragie.

Faut-il pour autant oublier la lutte contre le réchauffement climatique ?

Un tel moratoire ne se ferait-il pas au détriment du climat ? La réponse est non. C’est toute la beauté et l’ironie de nos premiers tâtonnements dans cette guerre fiscale de longue haleine contre le réchauffement climatique : les indicateurs publiés par le ministère de l’environnement montrent que les quelques 37 milliards d’euros que nous avons déjà dépensés avant 2019 pour soutenir le solaire PV et l’éolien n’ont pas eu l'effet environnemental escompté; pire, on observe depuis maintenant 3 ans une remontée de nos émissions de CO2, et les chiffres attendus de 2018 pourrait confirmer la tendance.

Pourquoi est-il inutile au climat (voire nuisible) de subventionner éolien et photovoltaïque en France ?

Car ces milliards déjà prélevés dans le porte-monnaie des consommateurs ont été largement focalisés sur l’électricité (déjà dé-carbonée) au lieu d’être consacrés à réduire les deux causes essentielles d’émissions de CO2 de notre pays: l’essence et le gazole de nos transports, et le gaz et le fuel de nos chauffages.

Et si, comme l’affirment désormais de nombreux spécialistes, il y a bien un lien entre les problèmes de gestion de l’intermittence des renouvelables électriques et nos émissions de CO2, un moratoire sur ces 121 milliards serait donc doublement gagnant : pour le pouvoir d’achat des plus modestes et pour le climat.

Sans parler du fait que la fabrication des équipements éoliens et surtout photovoltaïques que nous importons de l’étranger est, elle aussi, énergivore et émettrice de CO2, ainsi que consommatrice de métaux et de ressources rares. En limitant ses importations, la France limiterait son empreinte carbone hypocritement délocalisée, notamment en Asie dont les émissions destinées à satisfaire nos besoins polluent notre même planète.

Une transition énergétique sans perte de pouvoir d’achat, c’est possible

Plusieurs solutions existent pour retrouver du pouvoir d’achat. Les plus efficaces dans le domaine de l’énergie sont parfois les plus simples, celles qui sont sous nos yeux et que nous avions oubliées. Si aucune solution énergétique n’est parfaite, choisissons au moins les meilleures.

La bulle spéculative des renouvelables électrogènes nous coûte très cher, pour une efficacité écologique quasi nulle, faisant dire à la Cour des Comptes qu’il convient désormais d’inverser le « net déséquilibre entre les renouvelables électriques et les renouvelables thermiques » en faveurs des derniers, bien moins coûteux et pourtant plus efficaces pour l’environnement.

Par exemple, dans presque toute la France le solaire thermique permet, pendant au moins six mois par an et sans consommer un seul kilowattheure, de produire de l’eau chaude, qu’un simple ballon suffit à stocker ; c’est de la simple plomberie et des emplois nationaux.

L’isolation thermique des bâtiments permet de réduire considérablement les factures énergétiques de chauffage. Commençons par supprimer les passoires thermiques.

Pour ceux qui se chauffent encore au gaz naturel ou au fuel (d’ailleurs importés) le passage au chauffage électrique est un moyen simple (et encore moins coûteux que d’améliorer l’isolation) pour diviser par quatre leurs émissions de CO2.

Ceux qui se chauffent déjà à l’électricité décarbonée peuvent diviser par deux leur facture électrique de chauffage en installant une pompe à chaleur qui, à la différence de l’éolien ou du photovoltaïque intermittents, va prélever de jour comme de nuit l’énergie renouvelable gratuite de l’air ou du sol pour deux tiers de ses besoins.

Concernant le transport routier, principal responsable de nos émissions de CO2, les études internationales montrent que la France est un des rares pays où la voiture électrique permet, dès aujourd’hui, de diviser d’un facteur dix les émissions de CO2 comparées à une voiture à essence, alors que dans le reste du monde on ne gagnera pas même un facteur deux.

Concernant le nucléaire, pourquoi faire les poches des français tout de suite en arrêtant Fessenheim, centrale la moins jeune mais dont l’électricité est la moins chère et la plus sûre de France ; dont le président de l’Autorité de Sureté lui-même vient de dire que c’est « la centrale d’EDF qui présente les meilleurs résultats en termes de sûreté », et qu’ « il y a longtemps qu’une centrale d’EDF n’avait pas présenté un tel niveau de performances d’exploitation ». Rien ne presse. Même l’ADEME, qui semble pourtant cruellement manquer de compétences dans une énergie nationale responsable des trois quarts de notre électricité, reconnait dans son rapport de décembre 2018 que photovoltaïque et éolien auront du mal à atteindre une telle compétitivité: « une prolongation trop forte du nucléaire historique maintiendrait les prix de marché bas et déséquilibrerait la rentabilité de tous les moyens de production » ; ou encore lorsque son président écrit qu’il serait bon que notre transition écologique s’appuie sur « une prolongation mesurée du parc nucléaire pour modérer le coût de cette transition » ; en d’autres termes, pour restaurer notre pouvoir d’achat.

Les exemples qui précèdent ne constituent pas une liste exhaustive, mais représentent des mesures de bon sens qui reposent sur des solutions éprouvées, efficaces pour le climat, et répondant à un modèle économique sobre et vertueux. L’effort national pour les financer, une fois la majeure partie des 121 milliards d’aide au photovoltaïque et à l’éolien restitués au pouvoir d’achat des français les plus modestes, cet effort serait raisonnable et largement supportable par notre économie. C’est en tout cas le message de la Cour des Comptes, comme celui de plusieurs ONG (comme le démontre le scénario Négatep chiffré par Sauvons Le Climat qui vise pourtant bien une réduction d’un facteur quatre de nos émissions à l’horizon 2050, compatible avec l’Accord de Paris sur le Climat)

Pour notre pays endetté, pourquoi faire cher et compliqué quand on peut faire simple tout en créant de la valeur ?


Nos voisins espagnols ont su rectifier à temps leur mauvaise trajectoire. A nous il aura fallu attendre le ras le bol des « gilets jaunes » pour qu’enfin deviennent audibles les alertes de la Cour des Comptes, de l’Académie des Sciences, tout comme celles des citoyens lanceurs d’alerte de la Fédération Environnement Durable, de Sauvons le Climat, de l’Association des Ecologistes pour le Nucléaire ou de l’ARSCA, qui tous défendent les énergies durables et le pouvoir d’achat. Il est temps de stopper les aides au photovoltaïque et à l’éolien.

Jean-Luc Salanave, le 15/12/2018

lundi 3 décembre 2018

Sans taxes ... et sans "gilets jaunes"


Transition écologique et "crise des gilets jaunes": E.Macron, ni décevant ni enthousiasmant, mais tellement loin de la méthode qui a fait la réussite de notre première transition énergétique de 1973 !

L’intervention du président Macron du 27 novembre 2018 est fidèle à son péché mignon du fameux en même temps qui avait caractérisé sa campagne présidentielle. Maintenir le cap long terme de l’Accord de Paris pour le climat et en même temps répondre aux préoccupations de fin de mois des gilets jaunes. Réduire nos émissions de CO2  et en même temps réduire notre production nucléaire. Développer le solaire et l’éolien et en même temps ne pas sortir du nucléaire ni le remettre en cause.
Pourquoi ne pas avoir saisi l’occasion du grand mouvement populaire de mécontentement de ces jours derniers pour sortir enfin du compromis, sortir du en même temps qui irrite les uns sans satisfaire les autres ?
La taxe TICPE sur les carburants a été le déclencheur de la grogne contre les dégradations du pouvoir d’achat. Inventées par les deux précédents quinquennats de gauche et de droite depuis le Grenelle de l’environnement de 2007, les taxes dites écologiques s’empilent et se succèdent, avec, certes, des effets visibles sur nos paysages et nos toitures, mais en même temps sans effets sur les émissions de CO2 de la France, reparties à la hausse depuis 3 ans.
On se souvient pourtant que notre 1ère transition énergétique des années 1973-2000 se fit sans recours aux taxes. Le programme électro-nucléaire français fut entièrement financé par des emprunts industriels, remboursés par les consommateurs d’électricité ; ces consommateurs que nous sommes avons même depuis 40 ans prépayé les provisions pour charges futures qui attendent sagement aujourd’hui, sur des fonds dédiés encadrés par la loi, d’être affectés un jour aux démantèlements. Et tout cela en payant une électricité parmi les moins chères d’Europe.
Après notre transition électrique (largement derrière nous maintenant que 93% de notre électricité est décarbonée) l’heure est venue de nous attaquer aujourd’hui aux transitions du transport (essence et gazole) d’une part, et du chauffage (gaz et fuel) d’autre part, les deux sources de CO2 qui subsistent désormais dans notre pays.
On l’a vu, la grogne des gilets jaunes n’est pas dirigée contre l’écologie ni contre la transition énergétique. Elle est le rejet d’une certaine politique environnementale qui semble préfèrer le « bâton » à la « carotte » ; le rejet d’une écologie punitive, plutôt qu’incitative et positive.
C’est aussi une grogne contre les iniquités de la transition. Nombreux sont les français qui en ont assez que les mesures incitatives profitent d’abord au capital, ou aux plus aisés, ou à ceux qui spéculent sur les renouvelables et n’hésitent pas à revendre des capteurs et des éoliennes achetés à l’étranger et subventionnés par nos taxes. Nombre de « gilets jaunes », notamment en province, reprochent aux décideurs parisiens de s’être coupés de la vie quotidienne des plus modestes.
Le premier ministre l’avait en partie compris, lorsqu’il a tenté, au début du mouvement, de désamorcer la grogne en offrant des primes à la conversion, des chèques énergie et des aides à la suppression du chauffage au fuel. Mais ces mesures, utiles, viennent compliquer un peu plus le mille-feuille des taxes et subventions, et ne remet pas suffisamment en cause ce système de « bâtons » et de « carottes », ces dernières toujours jugées insuffisantes ou inadaptées par ceux tenus de payer la taxe à la pompe sans souvent pouvoir se permettre la dépense qui leur ferait bénéficier de la prime à la conversion.
Alors que faire ? Et bien si on cessait simplement de vouloir « mettre la charrue avant les bœufs » !
Notre monde agricole sait bien que taxes et subventions ne remplacent pas celui qui laboure, sème et produit. L’expérience réussie de notre transition électrique il y a quarante ans nous rappelle que pour réussir aujourd’hui nos transitions du transport et du chauffage et creuser leur sillon de façon efficace, équitable et durable, nos efforts devraient être tirés par une vraie politique économique et industrielle volontariste en faveur du climat; les taxes et les subventions n’ont jamais été le moteur durable d’un grand projet national ; tout juste peuvent-elles l’accompagner, pas le tirer.
Par exemple : si la voiture électrique s’avère bien une solution d’avenir pour les transports routiers d’un pays à l’électricité dé-carbonée comme la France, eh bien, avant de taxer les carburants d’une main et de distribuer de l’autre des chèques de conversion aux automobilistes en colère, commençons par construire massivement des voitures électriques compétitives. Qu’attendons nous ? Quel pays est mieux placé que le nôtre, avec notre électricité déjà dé-carbonée, pour réussir avant les autres un grand plan national de transition vers la voiture sans carbone ?
Autre exemple, les taxes. Comment ne pas comprendre la colère d’un gilet jaune qui observe qu’une partie de la taxe TICPE sur les carburants sert à payer certains mégawattheures photovoltaïques jusqu’à 630 euros (les obligations d’achat contractées en 2009 et garanties pour 20 ans aux producteurs), soit presque vingt fois plus cher que notre électricité nucléaire selon la Cours des Comptes (33 euros /MWh, et moins encore pour Fessenheim). Les automobilistes vont devoir financer ce prix exorbitant jusqu’en 2029 ! Et pour beaucoup d’entre eux sans recevoir de contrepartie, car tous ne sont pas de chanceux propriétaires de panneaux solaires qui peuvent récupérer d’une main ce qu’ils dépensent de l’autre en taxes à la pompe.
Au lieu de reconduire les subventions aux éoliennes et aux capteurs photovoltaïques importés (inefficaces, ruineuses, prématurées, et même « double peine » car la CSPE de 22,5€/MWh, supprimée le 31 décembre 2015 au profit de la TICPE sur les carburants, figure toujours sur nos factures électriques !), développons la recherche, l’industrie et des emplois nationaux dans les renouvelables et le stockage d’électricité. Et surtout, commençons par valoriser les atouts que nous possédons déjà dans les autres énergies propres (notre nucléaire, notre hydraulique pour le stockage d’électricité, notre forêt, notre biomasse et ses biocarburants, nos ressources géothermiques ou l’aérothermie des pompes à chaleur et le solaire thermique).
Pour créer cette dynamique écologique notre pays n’aura d’autre choix que de remettre des bœufs devant la charrue, seul moyen de tracer enfin le sillon d’une transition écologique vertueuse, équitable et supportable par les citoyens qui ne demandent qu’à être acteurs et pas seulement contribuables.
L’industrie de notre pays est moribonde : réindustrialisons, et s’il le faut vraiment, alors, taxons mais de façon justifiée, pour subventionner les entrepreneurs et artisans de nos réductions de gaz à effet de serre et de la réduction de notre empreinte environnementale ; ne taxons pas, comme trop souvent, pour le seul bénéfice d’une minorité aisée de profiteurs, de spéculateurs ou d’importateurs.
A quand un grand projet national qui, comme le projet de 1973, crée vraiment de la valeur industrielle, environnementale et de l’indépendance énergétique ? Un projet qui, comme en 1973, ne soit pas basé sur des obligations d’achat financées par la taxation.
Pour les citoyens responsables, portant ou non un gilet jaune, l’adhésion naitra non pas de la dissuasion d’une taxe ni de la récompense d’une subvention mais d’abord de l’espoir d’œuvrer à une entreprise collective utile, concrète, équitable et durable pour léguer à nos enfants une planète plus belle.
Souhaitons que les discussions qui s’ouvrent sachent dépasser les intérêts particuliers, les intérêts des lobbies, et même les modes parfois au-dessus de nos moyens, pour privilégier l’intérêt général et celui des plus modestes, avec la raison et le bon sens dont nos concitoyens et nos administrations sont capables au pays de Descartes.

Jean-Luc Salanave
Spécialiste de l’énergie, professeur à l’Ecole Centrale Supélec
Membre de l’ONG Sauvons le Climat
Automobiliste et consommateur d’électricité