jeudi 26 septembre 2019

Agir pour la planète (la difficulté des choix): adressé au journal La Croix


Billet adressé au courrier des lecteurs du journal La Croix le 25/09/2019 (mais non encore publié à ce jour) 

Agir pour la planète (la difficulté des choix):

Je ne partage pas le choix de La Croix du 23 septembre qui désigne en première priorité pour agir sur le climat : « consommer moins d’énergie ». Loin d'être dénué d’intérêt, n’est-ce pas oublier néanmoins que la priorité des priorités est plutôt de « consommer moins d’énergies émettrices de CO2 » (gaz, charbon et pétrole) ? Comment pourrait-on demander à un chinois, un indien ou surtout un africain de « consommer moins d’énergie » quand ils aspirent légitimement au même bien-être que nous, indissociable de leur accès à plus d'énergie, et, notamment, à l’électricité. Un exemple pour montrer la difficulté des choix et les risques d'incohérence dans l'affectation de l'argent public à nos priorités climatiques: celui des « passoires thermiques ». Bien sûr il faut isoler nos habitations, mais il y a bien plus urgent et bien plus efficace ! Refaire une isolation pour réduire d'un tiers voire de moitié les déperditions thermiques d'un logement coûte environ 20000 euros. Mais remplacer une chaudière de chauffage au gaz par une chaudière électrique coûte dix fois moins cher et peut faire économiser vingt fois plus de CO2 même sans pompe à chaleur (tout simplement parce que le gaz émet 270 grammes de CO2/kWh – source : ADEME ; alors que l’électricité nucléaire n’émet en France que 4 grammes de CO2/kWh – source : bilan carbone EDF ; la consommation moyenne annuelle de chauffage par foyer étant d’environ 10000 kWh gaz ou électrique). Il suffit alors, sans taxe ni dépense publique supplémentaire, qu’EDF propose des contrats d'électricité « 100% nucléaire ». Après tout, il existe bien déjà des contrats de fourniture d'électricité « 100% renouvelable ».

Jean-Luc SALANAVE

jeudi 19 septembre 2019

la guerre aux passoires thermiques c'est bien, celle contre le chauffage au gaz c'est dix fois moins cher et vingt fois mieux pour le climat


Passoires thermiques et cohérence climatique

Au cas où nous ne serions pas encore convaincus des incohérences de notre politique écologique et du fossé qui sépare les critères d’affectation des dépenses publiques de leur réelle efficacité climatique le gouvernement vient de nous livrer un nouvel exemple : celui des passoires thermiques.

Elisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire, vient d’annoncer (JDD du 08/09/19) le déblocage sur la période 2020-2024 de 200 millions d’euros destinés à soutenir des travaux de rénovation thermique.

S'attaquer aux passoires thermiques pour réduire les besoins de chauffage et limiter ainsi les pollutions qui dérèglent le climat c'est bien, et il faut le faire.

Faut-il le faire avec de l'argent public, ou du moins est-ce la meilleure utilisation de l'argent public en faveur du climat ? La réponse est non.

Petit calcul :

Avec 200 millions d’euros on peut rénover thermiquement 10000 passoires thermiques en supposant une dépense de 20000€ par habitation (certaines des aides envisagées peuvent même atteindre 30000€).

En France le besoin d’énergie de chauffage d’une habitation est en moyenne de 10000 kilowattheures thermiques (kWh) par an (ce chiffre ne dépend pas du moyen de chauffage mais seulement des déperditions). Ces déperditions sont d’environ: 30% par la toiture, 25% par les murs, 20% par la ventilation, 15% par les vitrages, le reste par le plancher bas et les ponts thermiques.

Les spécialistes estiment qu’avec des travaux d’isolation efficaces on peut espérer gagner jusqu’à 50% de sa facture énergétique (en améliorant plus que la toiture), soit en moyenne 5000 kWh par habitation, et donc 50 millions de kWh/an pour 10000 « passoires thermiques » rénovées.

Si on commençait par isoler, comme le voudrait la logique, celles qui sont chauffées au gaz (qui émet tout de même 270 grammes de CO2 par kWh thermique - source ADEME) on gagnerait 13500 tonnes de CO2/an (270 grammes x 50 millions de kWh). Déjà ça pourrait-on penser !

Mais avec les mêmes 200M€ on pourrait aussi remplacer les chaudières gaz de 100000 habitations (soit dix fois plus) par des chaudières électriques (2000€/chaudière).

Et cerise climatique sur le gâteau, en plus de traiter 10 fois plus de passoires thermiques pour le même prix (toujours 200 M€ dans notre calcul), le bilan CO2 s’avère dans ce cas encore plus réjouissant.

En effet, il suffit d’imposer (sans aucune dépense de l’Etat) que cette électricité consommée en remplacement du gaz soit d’origine nucléaire. Il suffirait pour cela que les consommateurs passent avec EDF un contrat « 100% nucléaire » (après tout il y a bien des contrats 100% renouvelables !)

Et comme l’électricité nucléaire d’EDF ne rejette que 4 grammes de CO2 par kWh (sur tout son cycle de vie incluant minerai, enrichissement, traitement des déchets et démantèlements futurs – source rapport d’activité EDF*) on économiserait 266000 tonnes de CO2 par an (270 moins 4 gCO2, multipliés par 10000kWh et par 100000 logements) contre seulement 13500 tonnes de CO2 avec le scénario d’isolation de notre gouvernement. Vingt fois mieux !

Le résultat est édifiant ! Passer du chauffage gaz au chauffage électrique coûterait 10 fois moins cher par logement et ferait économiser 20 fois plus de CO2 que l’isolation des passoires thermiques annoncée par la Ministre. Pourquoi ne le fait-on pas ? A quoi sert donc la très coûteuse ADEME sensée conseiller nos dirigeants sur une transition énergétique qui devrait viser à réduire nos émissions de CO2 plutôt qu’à racketter les citoyens ?

Jean-Luc SALANAVE
19/09/2019

*note : sur l’ensemble de son « cycle de vie » l’électricité nucléaire émet 12gCO2/kWh nucléaire en moyenne mondiale selon le GIEC ; EDF n’émet que 4gCO2/kWh (voir bilans carbone EDF, car en France l'enrichissement de l’uranium, le traitement des déchets, etc … sont faits avec de l'électricité décarbonée). Source : https://www.edf.fr/groupe-edf/producteur-industriel/nucleaire/atouts/emissions-de-co-sub-2-sub