Réduction des dépenses publiques:
lettre d'un citoyen, spécialiste et acteur de l'énergie, à Michel BARNIER et Agnès PANNIER-RUNACHER (le 30 septembre 2024):
https://drive.google.com/file/d/10IgxRxZ3p-4k-NU1kx35Bjlj1MbHixH1/view?usp=drive_link
Monsieur le Premier Ministre,
Madame
la Ministre de
la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la
Prévention des risques,
Permettez
moi de porter à votre attention
ces
propositions,
concernant
notre politique énergétique, qui contribueraient
à
réduire
rapidement
de
plusieurs milliards d'euros les
dépenses de notre pays.
Tout en ne nuisant pas à nos
engagements climatiques, ces
mesures permettraient
aussi de
réduire la
pression exercée par certaines taxes (CSPE, TICFE) sur les
contribuables et conduirait à une
baisse des prix de
l'électricité au
bénéfice des entreprises
et
des consommateurs.
1.
Prononcer
un
moratoire immédiat
sur
les aides,
subventions, certificats
"verts", garanties
de rachat et compléments de rémunération dont
bénéficient les
projets photovoltaïques
et éoliens,
et
laisser les lois de l'offre et de la demande ainsi que la taxe
carbone réguler librement les investissements énergétiques futurs
à
compter de 2025.
La
France a déjà engagé plus de 200
milliards d'euros
(dont 121 Mds avant
2017 selon le rapport 2018 de la Cour des Comptes)
en
subventions,
soutiens, tarifs de rachat garantis, compléments de rémunération,
primes d'installation et cadeaux divers accordés à ces deux
technologies
appelées (à
tort)
"renouvelables". Ces
aides ont fini par renchérir l'électricité et expliquent la hausse
régulière
des
prix observée depuis 2009. Mais ces aides
ont aussi
permis
au
solaire et à l'éolien de
devenir
matures
et performants,
au
point que la forte hausse des prix de marché européen de
l'électricité permet
désormais
aux
opérateurs,
notamment
éoliens,
de faire des bénéfices (en partie reversés à l'Etat pour
la partie dépassant le seuil du complément
de rémunération de leur contrat d'aide).
Le moment est donc propice pour mettre
fin à
15 années
d'aides publiques. Certes
cela
mettra un coup
de frein
au rythme de développement débridé des renouvelables hier
subventionnés. Mais
les effets
seront
vertueux
pour nos
dettes publique et climatique:
réduction
des dépenses budgétaires,
réduction du déficit
commercial (capteurs et éoliennes sont en effet importés)
et
amélioration de notre dette écologique par réduction de notre
empreinte carbone (en
effet, selon
l'ADEME,
les
émissions de CO2 par kWh sont de 43,9
grammes pour
le photovoltaïque,
14,1 grammes
pour l'éolien, contre
seulement 3,7 grammes
pour le
nucléaire;
réalités
qui suffisent à confirmer, s'il était encore besoin, l'aberration
de la priorité accordée à
ces renouvelables
intermittents,
obligeant le nucléaire à s'effacer,
à
chaque coup de vent ou de soleil,
devant
des kWh aléatoires
et ...
plus
polluants).
2.
Abandonner une
grande
partie des 200 milliards d'euros de dépenses programmées à
partir de 2025 pour
le raccordement aux
réseaux de transport et de distribution des
milliers
de futures
installations solaires et éoliennes
que l'Europe nous suggère d'installer
(100
milliards d'euros par RTE, 96 milliards d'euros par ENEDIS). Certes
une
partie
(infime)
de ces investissements est
justifiée par le développement
futur du
parc nucléaire
(qui
n'a
nécessité,
faut-il le rappeler,
que de
19
points
de raccordement au réseau national de transport).
Il conviendrait
aussi d'interdire à RTE de
continuer à offrir
aux
investisseurs éoliens
en mer (souvent
étrangers) la
gratuité du
raccordement au réseau aux frais du contribuable/consommateur
français.
3.
Mettre
fin définitivement
au
système de l'ARENH
(accès
régulé à l'électricité nucléaire historique)
qui,
au
final,
a spolié les consommateurs français
(en leur confisquant
la "rente nucléaire" qu'ils
ont financée pendant
40 ans sans
aucun argent public).
Ce
système a
par
ailleurs coûté
plus de 15 milliards d'euros de
manque à gagner à
EDF selon la Cour des Comptes.
L’Autorité
de la Concurrence, dressant le bilan des "objectifs
assignés à l’ARENH, à savoir l’émergence de la concurrence à
l’amont et la baisse significative des prix de détail en aval",
constate qu' "aucun
de ces objectifs n’a été atteint".
Ce
dispositif,
mis en place par la France
sous
pression de
Bruxelles en
contrepartie du maintien du TRV
(tarif régulé de vente),
a
contraint
EDF à vendre à des
"concurrents"
artificiels
plus
du quart de sa production électronucléaire à prix coûtant pendant
15 ans. Des dizaines de nouveaux "fournisseurs alternatifs"
ont ainsi pu prendre à EDF plusieurs millions de clients, mais les
milliards d'euros qu'ils ont ainsi encaissés n'ont pas été
utilisés pour financer,
comme prévu,
des capacités électriques concurrentes.
Si les 100 térawattheures à 42 €/MWh de l'ARENH avaient plutôt
été
proposés à nos PME et à nos industriels nombre
de
faillites et délocalisations causées par la flambée des factures
électriques auraient été
évitées.
4.
Accélérer le projet
national de construction de 14 nouveaux réacteurs
nucléaires.
On
ne peut pas "en
même temps" prétendre
que le nucléaire ne sera pas prêt pour assurer notre neutralité
carbone en 2050 et tolérer
les lourdeurs décisionnelles et administratives qui
le retardent.
Deux
ans suffisaient
pour instruire un dossier de sûreté de
construction en
1980,
il faut cinq
ans
aujourd'hui,
sans que ce ne soit justifié au vu de
l'excellence
de notre industrie
(aucune
"victime nucléaire" en quarante ans d'exploitation et de
gestion exemplaire de
ses
déchets).
Notre
dérive vers la "sûreté quoi qu'il en coûte" doit
revenir
à l'approche "coûts/bénéfices
de sûreté"
pratiquée
partout dans le monde.
Ce
programme de renouvellement nucléaire est une source potentielle
d'immenses économies; les 200
milliards d'euros dépensés pour les renouvelables ces dernières
années (pour un bénéfice climatique quasi nul, et un doublement en
15 ans du prix de nos factures électriques) aurait permis la
construction de plus de 25
réacteurs EPR2 (ou bien l'importation de leurs équivalents chinois
comme nous le faisons pour les capteurs solaires) et aurait
garanti
pour longtemps notre souveraineté énergétique et notre
excellence
climatique.
5.
Recentrer notre politique énergétique sur quatre
objectifs
prioritaires:
(i)
souveraineté
énergétique (limiter
nos importations
de pétrole, gaz, capteurs solaires, éoliennes),
(ii)
réduction
du CO2
("décarboné"
avant "renouvelable"),
(iii)
prix
bas
(retrouver
ceux d'hier
afin de redonner du pouvoir d'achat aux consommateurs et un élan à
notre réindustrialisation,
(iv)
préservation
des ressources naturelles (privilégier
les technologies durables,
les moins consommatrices en
matériaux, métaux et
ressources).
Pour
cela, PNC-France
(patrimoine nucléaire et climat)
propose de lancer
sans tarder une
étude
d’impact économique et technique
(qui
pourrait être confiée à L’OPECST
avec l’appui des Académies des sciences et des technologies)
pour
que
les
adoptions
prochaines
de
la PPE3
(programmation pluriannuelle de l'énergie)
et de la SNBC
(stratégie nationale bas carbone)
reposent
sur des bases rationnelles,
à
l'exclusion des modes
(parfois dictées par Bruxelles)
et des
idéologies,
afin de limiter
les dépenses
publiques
aux quatre objectifs cités
ci-dessus.
6.
Réduire voire supprimer les agences nationales et administrations
inefficaces ou inutiles.
Parmi
les centaines d'agences
publiques au service de l'Etat certaines (comme
l'ADEME, le CESE, ...) sont
montrées
du doigt comme étant ou étant devenues
des centres de dépenses sans
grande
valeur ajoutée
pour la communauté et les politiques nationales. Mener
un audit sur les sources d'économies réalisables sur les quelques
80 milliards d'euros liés au fonctionnement
de
ces agences, sans
exclure la
reprise de tout
ou partie de leurs
missions, le cas échant, par les administrations de tutelle.
Vous
remerciant, Monsieur
le Premier Ministre, Madame
la Ministre,
de l’attention que vous voudrez bien porter à mon courrier, je
vous prie de croire en l’expression
citoyenne
de ma haute considération.
Jean-Luc
Salanave, 30/09/2024
ANNEXE:
mon CV
J'appartiens
à la génération qui dans les années 1970-1980 a rêvé d'une
France capable de devenir indépendante et florissante, de
s'émanciper
du pétrole (crise de 1973) et de fournir à chaque
citoyen et à notre économie une
électricité abondante,
bon
marché,
équitable, respectueuse des ressources naturelles,
sûre
et
exemplaire
avant
l'heure
pour le climat
et l'environnement.
Nous
avons
collectivement
réalisé
ce rêve et
en avons
profité durant 30 ans.
Je
suis français, scientifique,
actuellement professeur à l'école
CentraleSupelec,
ancien industriel, spécialiste
de la transition énergétique. Je suis
expert et
parfois porte-parole au
sein d'associations de
défense de l'environnement (PNC-France
présidé par Bernard Accoyer ancien Président de l'Assemblée
Nationale, Sauvons le Climat, UARGA,
AEPN, FED, Voix du Nucléaire). Je
soutiens
les scénarios énergétiques
NégaTep
et TerraWater (tout en critiquant
le scénario NégaWatt de l'Ademe).
J'ai été relecteur
du rapport spécial 2018 du GIEC sur le climat. J'ai
été un acteur du programme nucléaire.
J'ai fréquenté le marché électrique
pour le compte
du plus gros consommateur européen (EURODIF).
J'ai
participé au
programme international de recherche sur la fusion de l’hydrogène.
Je possède
un master d’astrophysique (1987, USA) et suis
diplômé de l’École Centrale de Paris (1974).
Sur
le thème du présent courrier, j'ai
eu l'honneur d'être auditionné (audition privée) début 2024 par
la Commission d'enquête sénatoriale sur la
production, la consommation et le prix de l’électricité aux
horizons 2035 et 2050
(président Frank Montaugé, rapporteur Vincent
Delahaye).
Je
demeure à disposition pour toute contribution que vous jugeriez
utile. Jean-Luc
Salanave