Dans son forum sur « La foi et les valeurs » dans La Croix du 17 octobre 2015 Gaston
Pietri évoque « sans les opposer » les valeurs chrétiennes et les
valeurs républicaines et laïques. Et pourtant, n’est-ce pas justement ce qui
les oppose qui justifie dans notre pays la crise actuelle des valeurs, la perte
des repères, la dégradation de notre capacité à vivre ensemble, à intégrer
l’immigration et à accepter nos différences (intergénérationnelles,
culturelles, politiques) ? A côté de nos valeurs républicaines de «
liberté, égalité, fraternité » l’auteur a ajouté le mot
« charité ». C’est là toute la nuance qui parfois oppose morale
laïque et morale chrétienne. Là où la morale laïque peut parfois tolérer un
certain égoïsme, notamment dans les principes de « liberté » et
« égalité », la morale chrétienne prône la « charité ». Nous
savons que la liberté peut-être source d’incivilités et de conflits quand
on la confond avec le désastreux principe soixante-huitard et laïc « il
faut interdire d’interdire » ? Alors que la « liberté »,
cette valeur chrétienne basée sur le respect de la personne, qui a été adoptée
comme un bien commun de l’humanité, c’est la liberté qui pour chacun de nous s’arrête
« là où commence celle des autres », selon les termes des manuels
scolaires de notre enfance. Même chose pour « l’égalité », autre
grande valeur laïque et républicaine, mais aussi chrétienne, cette égalité vis-à-vis
des droits et des devoirs, l’égalité d’accès aux ressources et richesses :
si elle se limite à l’égalitarisme, à « ce à quoi tu as droit j’y ai
droit » ou à « ce qui est à toi est à moi » elle devient source
de convoitises, de conflits, de guerres, ou, spécialité de notre pays, peut
conduire à la confiscation et à la redistribution des richesses crées par ceux
qui entreprennent, au risque de décourager toute fierté de vivre et
d’entreprendre dans notre pays, détruisant ainsi en quelques décennies ce qui
restait de notre tissu industriel autrefois source d’emploi et de fierté. L’interprétation
judéo-chrétienne de l’égalité c’est tout le contraire, c’est « ce qui est
à moi est à toi », ça change tout, car au lieu de générer des frustrés qui
n’ont d’yeux que pour ceux qui ont plus qu’eux ça fournit l’envie et la fierté
de créer de la richesse pour ceux qui ont moins ! Cette égalité-là est
certes un défi utopique. Mais n’est-elle pas la seule « égalité »
garante à terme du vivre-ensemble dans nos sociétés, comme entre pays riches et
pays pauvres, ou garante d’une solution planétaire équitable au changement
climatique ? [suite non publiée:] La France a un rôle à jouer, sans fausse honte des racines judéo-chrétiennes
de ses valeurs républicaines, sans renier son histoire, France que certains
n’osent même plus dire qu’elle fut un temps « fille ainée de l’Eglise ».
Ce sont ces valeurs républicaines de racine chrétienne, « liberté,
égalité, fraternité », qui continuent de séduire ceux, d’origines
chrétienne, musulmane, bouddhiste, athée ou autres, qui sont fiers de cette
France où ils sont nés ou qui les a accueillis.
Jean-Luc Salanave (Béarn)
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